Immobile, Oona déglutit difficilement en jetant un coup au monde présent. Il y avait beaucoup, beaucoup plus de monde qu’elle n’avait l’habitude d’en voir et si elle avait déjà du mal à supporter toutes les personnes dans Ikebukoro, ce n’était rien comparé à la foule agitée devant elle.
Mais elle ne pouvait pas abandonner, ce n’était pas dans ses habitudes ni dans ses principes. Elle grimaça, peu convaincue de son propre courage, avant d’avancer un peu plus avec son gros chariot. Son regard ne cessait de tourner sur chaque personne qu’elle croisait et elle fut réduite en un amas de tics nerveux. Ses mains tenant fermement les quelques brochettes de poulpe qu'elle possédait, elle entrouvrit légèrement la bouche pour signaler sa présence, ainsi que celle de son petit stand.


« B-Brochettes de poulpe pour tous... S'il vous plaît.... »


Évidemment, aucune réponse ne fusa, et la jeune femme, dépitée, baissa la tête, se tassant un peu plus derrière son chariot.
Mais pourtant, il fallait agir.
Des gens achetaient bien de la nourriture ailleurs, devant elle.
Nourriture qui n'était pas ses brochettes.
Nourriture qui aurait dû être ses brochettes.
Nourriture qui devait être ses brochettes.

La jeune femme s'écarta de son chariot, se dirigea vers le premier malheureux qui passa devant son stand par hasard. Son visage devait probablement luire de rouge, mais elle n'en avait cure. Elle brandit sa brochette vers lui, à la manière d'un avocat, manquant d'éborgner son potentiel client.

« Vous! Une brochette, monsieur? »

[[C'est peu, mais j'espère que ça te satisfait quand même...=)]]

Les lunettes fumées recouvrant ses yeux bleus pour une fois sans lentilles de couleur, Itsuki se faisait un chemin parmi la foule du parc d'attraction. Nanja Town était une mini-cité dans le quartier d'Ikebukuro, un Disneyland miniature.

Un peu plus tôt dans la journée, le jeune homme avait reçu une commande pour un jeu vidéo. Il lui manquait juste la magicienne… Et le pauvre garçon n'arrivait pas à imaginer quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Du coup, il avait décidé de se changer les idées, priant pour trouver l'idée miraculeuse, l'inspiration subite au milieu du parc d'attraction.

Derrière lui, il entendit de peu subtils gloussements. Itsuki se retourna vivement, faisant flotter sa chevelure mauve attachée en minuscules tresses au tour de lui. Il souleva légèrement ses lunettes, adressant un clin d'œil moqueur aux adolescentes. Prises en flagrant délit, elles se mirent à glousser de plus belle et à rougir stupidement.

*Décidément, les adolescentes d'Italie, de France ou du Japon ont toutes le même comportement*

Le jeune homme prit une allée de Nanja Town dans laquelle se situait la quasi-totalité des stand de restauration à la fois bon marché et bon tout court.

Il observa avec amusement deux enfants piquer une crise de colère pour que leur mère leur achète des bonbons, un couple s'embrasser autour d'une glace, un vendeur vanter les mérites de ses brochettes…

L'animation était toujours bénéfique pour son imagination… Mais aujourd'hui, il ne parvenait pas à trouver d'idées.

Perdu dans ses pensées, il n'esquiva la brochette qu'on lui tendit sous le nez que de justesse. Un peu plus et il se faisait embrocher l'œil !

« Vous! Une brochette, monsieur? »

Itsuki sursauta, surpris. Il prit le temps d'observer la jeune fille qui lui tendait la brochette. Ses fins cheveux noirs volaient autour d'elle, ses joues étaient rouges… de honte ? Et pourtant, son regard vert étincelait de détermination.

Grandiose. Le jeune savait qu'il trouverait l'inspiration aujourd'hui !

Ceci étant…

« Holà ! Tout doux, mademoiselle… »

Il lui adressa un fin sourire, presque moqueur. Presque.

« Je prendrais volontiers de vos brochettes… À la seule condition que vous m'en indiquiez les ingrédients », dit-il, ne plaisantant qu'à moitié.

Il est vrai qu'il aimait bien les chats et les chiens mais… pas dans son assiette.

Spoiler:

Spoiler:

Oona soupira doucement, heureuse d'avoir attiré l'attention d'un client. Les ingrédients? Même si cela avait une consistance proche du caoutchouc et que le goût du poulpe dont il était supposément avait un vague goût de goudron, il n'y avait pas de crainte à avoir, sa brochette était entièrement faite de fruits de mer.

Oona, dont l'innocence que les années n'altéraient pas, insista légèrement en tendant son bras un peu plus.

« C'est du poulpe. Des brochettes de poulpe, comme vous n'en avez jamais goûté. » Assura-t-elle, mensonge à peine voilé, son visage prenant une belle teinte cramoisie. Horreur ! Elle recula d'un pas, sa voix un peu plus brisée qu'elle ne l'avait imaginé.

« P-Pardonnez-moi ! J'espère... ne pas vous avoir trop i-importuné. »

En plus d'être dans une position pas vraiment stupide : le visage figé dans une expression d'horreur gênée, le bras toujours tendu, Oona était vraiment confuse, ce qui n'arrangeait pas les choses et rendait la situation quelque peu ridicule.
Oona s'empêtra encore un peu dans ses excuses. Mauvais mauvais mauvais. Elle ramena son bras, osa lever légèrement ses yeux verts vers l'homme aux cheveux mauves en espérant que ce dernier n'était pas en train de grimacer d'exaspération.

« Je suis vraiment confuse. »

La jeune femme face à Itsuki soupira. De soulagement, certainement. Elle lui tendit encore un peu plus la brochette sous le nez.

« C'est du poulpe. Des brochettes de poulpe, comme vous n'en avez jamais goûté. »

Son assurance aurait fait pâlir n'importe quelle femme d'affaires, politique ou marchande. Si l'on exceptait ses joues roses d'embarras… Son regard vert déterminé transperçait Ayumu comme si il n'existait pas.

« Je n'en doute pas le moins du monde, chère demoiselle… »

Il avait prononcé le dernier mot en italien, reprenant son attitude charmeuse. Atsuki souhaitait réellement connaître cette jeune femme et lui arracher son autorisation pour quelques portraits. C'est qu'il avait un contrat à rendre dans la semaine, lui…

En face d'Ayumu, la femme s'empêtrait dans des excuses confuses… Agitée, elle devenait de plus en plus rouge, ce qui, à l'avis du jeune homme, la rendait…

*Aww~ Kawaïïïï~ C'est vraiment elle dont j'ai besoin pour le modèle…*

Très mignonne. Derrière eux, des curieux s'étaient arrêtés. Un couple notamment qui trouvèrent amusant de se moquer de la jeune vendeuse qui dans son agitation faisait voleter ses longs cheveux noirs autour d'elle. Itsuki se contenta de leur envoyer un regard plus que noir. Enfin, on ne traitait pas ainsi un de ses futurs modèles.

La jeune femme ramena son bras, cachant son magnifique regard à la vue d'Itsuki, replié derrière sa frange noire. Cependant, elle releva brièvement les yeux vers lui, pour s'excuser encore d'une voix légèrement tremblante et cassée.

« Je suis vraiment confuse. »

Tout en continuant à sourire, le coloré lui prit la brochette des mains, la remplaçant par son prix qui était affiché sur le stand derrière elle. Cependant, il n'y toucha pas. Il ne souhaitait pas vexé la jeune vendeuse, mais son produit ne lui inspirait aucune confiance.

En lieu et place d'une remarque mal placée comme il en avait l'habitude, il se contenta de lui tendre la main et de lui proposer:

« Auriez-vous l'obligeance de vous joindre à moi pour une petite promenade dans ce parc d'attractions merveilleux qu'est Nanja Town ? Et de m'apprendre votre nom par la même occasion ? »

Il exécuta une petite pirouette sur lui-même puis salua en une révérence qui lui fit baisser un chapeau imaginaire.

La jeune fille le fixa, après qu'Itsuki lui eût fait sa proposition. Elle finit finalement par saisir la main qu'il lui tendait.

« Oona Millers, enchantée. »

La jeune fille en face de lui sembla hésiter quelques secondes avant de prendre la parole:

« N’importe qui m’aurait défigurée... ou au moins hurlé dessus. Et je vous remercie de ne pas avoir agi de cette façon. »

« C'est la moindre des choses, petite demoiselle. » lui répondit-il en souriant.

Cette jeune fille lui était très sympathique. Enfin… pas dans ce sens là ! Plus comme une amie. Ou, tout du moins, une connaissance proche.

« J’insiste pour vous offrir un verre, ou à manger, c’est un minimum, après cet incident... Ou peut-être voudriez-vous que je vous aide à trouver un meilleur endroit pour... manger. »

La jeune fille avait un peu du mal à articuler. Peut-être une conséquence de sa timidité naturelle ?

« Nullement besoin d'insister, Oona-chan… Vous permettez que je vous appelle Oona ? Ceci dit, si vous insistez pour boire un verre, je pense pouvoir nous payer deux boissons… » continua-t-il, légèrement moqueur. «Quant au fait de manger, je me contenterai volontiers de votre merveilleuse brochette.»

« Cependant je doute que.. je puisse... voyez-vous... quitter mon chariot. Mais uhm, je pourrais... »

Elle laissa les derniers mots en suspend, adressa un bref regard à Ayumu avant de se diriger vers son chariot. Pendant qu'elle accrochait le petit panneau "Closed", il commença à manger sa brochette… Qui n'était pas si mauvaise, tout compte fait. Disons qu'il avait mangé bien pire, notamment du côté des restaurants trop bon marché de Paris. Le pâté de rat n'était clairement pas à son goût.

Il frissonna, se remémorant la semaine qui avait suivi. Il avait été malade… et bien, comme un chien. Il sursauta alors que la jeune fille recommença à lui parler:

« Je suppose qu'une petite heure ne ferait de mal à personne... »

« Non, en effet, à personne. »

Il lui attrapa la main et commença à avancer dans la foule. Il lui parla, haussant le ton à cause de la foule.

« Je vous propose d'aller faire une ou deux attractions puis de prendre un verre. À moins de faire l'inverse ! Qu'en pensez-vous ? »

Il se retourna, quêtant son avis, avant de continuer à l'entraîner parmi la foule de plus en plus nombreuse.

[HRP= Désoléée… J'ai eu mon Brevet Blanc, puis différents accidents qui m'ont valu une paire de béquilles puis des travaux en bas de chez moi qui m'ont coupé internet. La suite d'enchaînements improbables, quoi… -.-"" Désolée, encore]

Oona suivit, non, se fit traîner par l'homme quasiment inconnu à travers la foule. Avec la densité, c'était assez difficile de marcher dans ce parc surpeuplé. Elle prit bien soin de n’écraser le pied de personne. On aurait un peu dit une partie de.. Ah, zut, c’était quoi le nom déjà ? Tw... Twister ! Sauf qu’ils avançaient. Ca devait être assez drôle à voir.

« Je vous propose d'aller faire une ou deux attractions puis de prendre un verre. À moins de faire l'inverse ! Qu'en pensez-vous ? »


Pard... Hein ? Oona défigura son nouvel ami, un peu perdue. Elle ravala la question superflue qu'était le « On va aller sur ses machins ? ». Il y eu un petit blanc, d'à peine une seconde ou deux, pendant lequel l'expression d'Oona hésitait entre l'horreur ou l'embarras.
Non Oona, retient-toi. S'enfuir en courant n'était pas du tout une façon de se conduire lorsqu'on est invitée à ce genre de choses.
La brunette hocha donc lentement la tête, et fit mine d'être complètement décontractée.

« Le tour en montagnes russes me convient parfaitement. C'est gentil de proposer cela. »

Oona lui offrit un petit sourire en prononçant ces mots, pour lui faire croire qu'elle pensait ce qu'elle disait. Elle sortit un élastique de ses poches pour attacher ses cheveux en un simple chignon un peu défait, histoire qu'ils ne la gênent pas. Ils approchèrent d'une quelconque attraction, un coaster il semblerait, et ils se mirent tout deux en file. Elle remarqua les couples de devant qui se tenaient nerveusement la main. Oona se dit que si jamais elle devait avoir quelque chose dans la sienne pendant le tour, mieux valait choisir une autre main, au risque broyer complètement la main de son ami. La file d'attente était un peu longue, peut-être trop, même si elle ne durait que dix, voire quinze minutes. C'était suffisant pour changer d'avis. Oona était peut-être peu courageuse, mais il se disait qu'au pire, elle s'en sortirait avec un haut le coeur, mais plus ils avançaient vers l'entrée, moins elle était sûre d'elle et commençait à devenir aussi nerveux que ceux devant. Regard en arrière. Non, plus moyen de reculer...

Le jeune homme termina à peine sa phrase qu'il vit Oona prendre une couleur blanche. Blanc craie, pour être précis. Visiblement, la jeune femme avait du mal avec les attractions.Un sourire revint prendre place sur les lèvres d'Ayumu. Rendre les gens mal à l'aise était son loisir favoris. Au bout du compte, il était et restait un enfant égoïste.

La jeune vendeuse fit comme si elle était totalement décontractée et hocha la tête en direction du jeune homme aux cheveux violets. De toutes manières, elle aurait parlée qu'il ne l'aurait pas entendu parmi la foule.


« Le tour en montagnes russes me convient parfaitement. C'est gentil de proposer cela. »

Il fronça les sourcils. À quel moment avait-il parlé de montagnes russes ? Vraiment, cette fille était persuadée qu'il allait l'emmener là-dessus ?
Plongé dans ses pensées, il manqua le sourire d'Oona. Il l'observa distraitement faire de ses cheveux un chignon lâche, certainement pour qu'ils ne la gène pas.

Il refronça les sourcils. Quelque chose lui échappait. Son regard se porta sur une de ses longues, très longues mèches. Bien qu'attachées en tresses virevoltantes et perlées, si elles se coinçaient dans un des wagons du coaster, elles deviendraient un handicap particulièrement lourd. Il fouilla dans une de ses poches, alors que Oona le menait jusqu'à l'attraction devant laquelle s'étirait une immense file. Il évalua le temps d'attente à environ une dizaine de minute.

Il attrapa, d'une main tellement rapide qu'elle en était insaisissable, le ruban dépassant de la poche d'une jeune femme située devant et attacha ses cheveux avec. Ça ne se faisait pas, mais tant pis. Il fallait être stupide pour laisser traîner des choses à portée de sa main, songea-t-il, comme pour repousser la petite vague de remords que lui apporta son geste.

À côté de lui, indifférente à ses actions, Oona devenait de plus en plus nerveuse. Elle jetait de fréquents regards en arrière, paniquant de plus en plus au fur et à mesure que la file avançait.

Au niveau du guichet, les deux policiers de faction ce jour-là le regardèrent, puis ils se mirent à rire, d'un rire gras. Parmi les paroles qu'ils échangèrent, il capta les mots "tapette" et "pédé". Ses poings se serrèrent jusqu'à en faire blanchir les jointures. Il serra les lèvres en une ligne fine et exsangue.

Heureusement, à partir de ce moment la file avança beaucoup plus vite, de telle sorte que Oona et Itsuki se retrouvèrent dans le dernier wagon.

« Tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas, Onna. »

Il lui fit un sourire rassurant, bien que la colère bouillait toujours dans un coin de son esprit.