- Voilà, c’est recousu. Vous devrez revenir dans deux semaines pour vous faire enlever les points. N’oubliez surtout pas de changer le bandage au minimum tous les deux jours.

J’ai hoché la tête machinalement ; je n’écoutais pas vraiment ce que me disait l’infirmière. Si c’était des conseils pour l’entretien de ma blessure, je savais déjà tout ce qu’il fallait savoir. Il faut dire qu’à force de me faire mal, j’étais devenue une vraie pro en premiers secours. Et je savais aussi déterminer quand j’avais vraiment besoin d’aller à l’hôpital.

Pour comprendre pourquoi je m’y trouvais en ce moment, revenons une heure en arrière…

Comme tous les mardis matins, je descendais tranquillement les poubelles en bas de mon immeuble. Euh, en fait, vous pouvez supprimer le « tranquillement » dans ma phrase précédente. Parce que je n’ai jamais réussi à amener ces foutues poubelles à bon port…
Pour faire simple, alors que j’étais presque arrivée au bas de mon escalier, j’ai glissé sur un prospectus quelconque qui traînait par terre. Je me suis ramassée, évidemment, et ça aurait très bien pu finir là, avec juste un bleu au niveau du coude.
Sauf que comme j’avais mes poubelles dans les bras, tout a valsé quand je suis tombée, entre autres une petite bouteille en verre qui est allée se mettre tout contre une marche, un peu plus bas. Et comme les marches avaient un petit rebord du quelques centimètres à peine, mais suffisant pour me cacher la bouteille, je ne l’ai pas vue.
Ce qui fait que quand j’ai eu fini de ramasser mes déchets, passablement énervée, j’ai continué ma descente… et inévitablement, mon pied a roulé sur la bouteille. Je suis partie en arrière, et la bouteille et moi, on a fini de descendre l’escalier en un clin d’œil.
Si ce foutu contenant avait été un peu plus solide, je m’en serais sûrement tiré avec une dizaine d’hématomes et une bosse à l’arrière de la tête.
Malheureusement, la bouteille est arrivée avant moi au rez-de-chaussée et s’est fracassé contre le sol. J’ai atterri une demi-seconde plus tard… pile sur les débris de verre.
J’ai repris mes esprits pour constater que j’avais un gros éclat de verre planté dans le bras gauche, et plusieurs petits autres un peu partout sur les bras et les mains. Mon jean avait protégé mes jambes, mon visage avait heureusement été épargné.
Ce qui n’empêchait que je ressemblait un peu à un porc-épic avec ces bouts de verres qui sortaient de partout.
J’aurais pu m’occuper moi-même des petits bouts, mais le gros dans mon bras gauche m’avait l’air d’être enfoncé assez profondément, et l’entaille qui mesurait dans les 7 centimètres commençait déjà à saigner.
Grimaçant de douleur, je me suis relevée, et, laissant mes poubelles sur place, j’ai pris la direction de l’hôpital.
Inutile de vous dire que les gens me lançaient des drôles de regards quand ils me croisaient.

Plus j’y pense, plus je trouve la façon dont je me suis fait mal ridicule.
Être maladroite, c’est vraiment une plaie ; c’est le cas de le dire.

En tous cas, je ne me sentais pas du tout en forme, là. Un peu nauséeuse, mal à la tête. Peut-être un peu de fièvre. En me levant, j’ai chancelé. Ca n’a pas échappé à l’infirmière, qui m’a conduit de force dans une chambre.

- Je vais appeler un médecin, c’est lui qui décidera si on vous laisse sortir ou si on vous garde quelques jours. Vous avez perdu une quantité non négligeable de sang, et il est possible que malgré nos désinfectants, des bactéries se soient infiltré dans la plaie.
M’a lancé l’infirmière sur un ton catégorique en me laissant dans la chambre.

Bla, bla, bla, elle peut toujours parler. Si le médecin décide de me garder, je me taille sans leur demander la permission. J’ai horreur de rester dans un hôpital, ça me rappelle des mauvais souvenirs.

Oups, je viens juste de remarquer qu’il y avait déjà quelqu’un dans la chambre. La personne ne question ne doit pas m’avoir manqué, en revanche. Il faut dire que j’ai fait une entrée assez peu discrète, vu que j’étais en train d’argumenter avec l’infirmière. Hum, j’espère qu’elle n’était pas en train de dormir.

Je me retourne avec mon plus beau sourire, pour découvrir que l’autre patient est une fille d’environ mon âge, avec des cheveux châtains courts, des yeux de la même couleur et un joli visage.
Elle est assise dans son lit, et elle n’ a pas l’air endormi ni rien. Tant mieux.

Bon, puisqu’il faut que j’attende, autant s’occuper en discutant un peu. Je pourrais peut-être apprendre des chose intéressantes. Vu que presque tout m’intéresse, c’est même très probable.

- Bonjour ! Je suis désolée de déranger, l’infirmière m’a dit d’attendre là. Je ne vais pas rester longtemps.

Ca, c’est sûr. Je commence déjà à me sentir oppressée par l’atmosphère, les murs blancs, l’odeur de désinfectant… Brrrr, ça me donne la chair de poule.
Malgré ça, je continue à parler. Ça a au moins le mérite de me distraire.

- Je m’appelle Keiko Nakahira. Ravie de te rencontrer.

Pour faire bonne mesure, je rajoute :

- J’espère que je ne t’ai pas réveillée.

Spoiler:

- Non, tu ne m'as pas réveiller. J'ai l'habitude de me lever tôt.

Tant mieux. La fille, Saki, m’a détaillé pendant quelques instants avant de me répondre. Je me demande bien ce qu’elle peut penser de moi. Sûrement pas grand-chose.
J’ai l’air assez banale, je le sais bien, et ça ne me dérange pas. Peut-être que c’était ma blessure qu’elle regardait, en fait. Enfin, mes nombreuses petites blessures. Mais bon, il n’y a pas non plus de quoi fouetter un chat.

Tiens, son regard s’est égaré pendant un moment par la fenêtre. Elle a eu l’air un peu déçue. Mais pas trop, comme si elle était résignée.
Elle attends quelqu’un. Ou bien elle a juste envie de quitter cette chambre, ce que je comprendrais parfaitement. Peut-être même les deux.
C’est vrai qu’elle doit s’ennuyer, ici. A rester toute la journée enfermée dans une petite chambre. Est-ce qu’elle a des proches qui viennent la voir, au moins ?
J’ai ressenti un élan de compassion pour elle. A sa place, je ne pense pas que je pourrais supporter de rester comme ça. J’en mourrais d’ennui.

-Hum.. Sans vouloir être indiscrète, comment est tu arriver a l’hôpital?

Ah, un début de conversation !
Comment je suis arrivée ici ? En marchant, tiens !
Hum, ce n’est sûrement pas la réponse qu’elle attends. Elle veut sûrement savoir comment je me suis fait mal.
La curiosité est un vilain défaut, je suis bien placée pour le savoir, moi qui mériterait sûrement le titre de la fille la plus fouineuse de tous le sol nippon. On peut peut-être même étendre au monde entier.
Enfin, tant qu’on peut discuter, ça ne me gêne pas de répondre à cette question. Surtout que la réponse va être horriblement banale.

- Un accident bête. Je suis tombée dans l’escalier et je suis atterrie sur des débris de verre.

Voilà, je ne vais pas m’étendre sur comment j’ai fait pour tomber, ou pourquoi il y avait des bouts de verre pile à l’endroit où je me suis ramassée.
La pauvre fille aura bien le temps de constater à quel point je suis maladroite si je reste un peu trop longtemps dans sa chambre.
Pour l’instant, j’ai fait de mon mieux pour rester le plus immobile possible. C’est à peu près la seule chose qui me permet de ne pas faire de catastrophes.

Bon, maintenant que la conversation est lancée, surtout ne pas la laisser s’arrêter.

- Et toi, pourquoi est-tu ici ? Tu n’es pas obligée de répondre si tu n’en a pas envie. En tous cas, on voit que tu as envie de partir.

Hum, pas très subtil. Mais je m’ennuie un peu. Pas que la conversation ne soit pas intéressante, mais il faudrait un peu plus d’action. Donc, j'en créé, de l'action.
Et, mine de rien, ça m’intéresse vraiment de savoir pourquoi cette fille est à l’hôpital. Contrairement à moi, c’est sérieux. Ca en a l’air, en tous cas. Un problème grave aux jambes, je pense. Il y a un fauteuil roulant à côté du lit, donc ce n’était pas trop difficile à deviner. Mais comment s’est-elle fait ça ? Mon petit doigt me dit qu’il ne s’agit pas d’un accident… accidentel.

Je peux sûrement apprendre plein de choses par cette fille.
Une petite idée commence à me trotter dans la tête. Selon sa réponse, on verra si c’est faisable…

- Il y a eu une bagarre dans laquelle j'ai été impliquée malgré moi et ... ca a mal tourné.
Malheureusement cet incident m'a rendue handicapée provisoire. Enfin bon, je suis presque soignée! Il ne reste plus que la rééducation.

Haha, l’arroseur arrosé ! J’ai choisi de répondre évasivement, elle fait la même chose !
Je suppose que j’aurais du m’y attendre. Mais contrairement à moi, elle semble cacher quelque chose de vraiment intéressant. Le peu qu’elle m’a dit ne me donne qu’une envie : en savoir plus !

Une bagarre… Un peu bizarre. En général, quand on voit des gens se battre, on part en courant prévenir la police, surtout quand on est une « faible » jeune fille.
Enfin, ce que je veux dire, c’est que, à moins qu’elle ne soit ceinture noire de karaté ou un truc dans le genre, je vois mal comment elle a pu se retrouver impliquée « malgré elle ». Vu que je ne suis pas télépathe, il va falloir que je lui soutire les détails… Hum, par où commencer ?

- Dit moi Keiko, qu'est ce que tu ferait si tu était restée ici pendant des mois sans pouvoir partir? C'est vraiment un endroit pas très confortable ou accueillant tu ne trouve pas?

Wah, je rêve ! Elle me tends une perche ! Elle lit dans mes pensées, ou quoi ?
Non, c’est juste que nos objectifs coïncident. Elle est en train de me demander clairement de l’aider à sortir d’ici, ce qui correspond parfaitement à la petite idée que j’avais tout à l’heure.

Bien sûr que je vais l’aider ! Mais pas totalement gratuitement. Je ne suis pas très gourmande, je voudrais juste avoir les détails à propos de son « accident ».

Bon, son approche n’était pas très subtile, mais pas pire que la mienne tout à l’heure. Mais maintenant qu’on est d’accord, autant jouer franc-jeu.

- Je partirai d’ici, évidemment. Quitte à passer par la fenêtre ! Mais je suppose que c’est un petit peu difficile, dans ton cas.

Je laisse un petit moment de silence avant de demander franchement :

- Bon, je te propose un marché : je t’aide à sortir discrètement d’ici, et en échange tu me raconte toute la vérité sur l’accident qui t’a conduit ici. Ca te conviendrait ?

Bien, elle avait comprit l'idée. En meme temps ce n'etait pas difficile a comprendre... Le seul inconvegniant était qu'elle ne ferait pas sans gratuitement. Et le marché proposé n'etait pas vraiment une bonne chose...
Je ne voulais pas que cette affaire s'ébruite. Je n'en avait jamais parler a aucune personnes n'y ayant pas participer.

Comment savoir si Keikon'allait pas en faire un scandale, raconter cette histoire et mettre tout Ikebukuro? C'était un choix difficile. Je ne voulais pas non plus rester moisir ici plus longtemps! Il me fallait de l'air!

Apres une longue hesitation interieure, je me decida a lui repondre

- Et bien... C'est une tres longue histoire. Et je ne sait pas si je peut vraiment en parler a moins que tu soit quelqu'un de confiance...

Je respirait lentement, cherchant les mots justes pour lui faire comprendre ce que je ressentait

- Comment dire... Il faudrait que tu n'en parle a personne. Les details ne sont pas très jolie jolie si tu vois ce que je veux dire... Mais si on sort d'ici sans se faire prendre, je suis prete a te le raconter. Ca me prouvera que tu est digne de parole.

Je ne savait pas si je faisait le bo, choix, mais qu'importait! Il fallait saisir l'oportunité de la liberté! Mais avant toute chose, nous devions mettre un point un plan d'evasion...

- Tu a une idée de comment on va faire?

Pour ma part, je pensait qu'elle devrait se deguiser en infirmiere, mais ou trouver les vetements? Il fallait en rechercher dans l'hopital... Apres quoi elle pourrait m'emmener sur le fauteuil, mais il faudra faire gaffe aux autres medecins et surtout a cet espece de vigil toujours poster a l'entrée de l'etablissement.
Peut etre fallait-il que l'on chercher une autre sortie?

- Et bien... C'est une tres longue histoire. Et je ne sait pas si je peut vraiment en parler a moins que tu soit quelqu'un de confiance...

Si je suis une personne de confiance ? Aucune idée. Mais bon, je ne cherche pas à savoir la vérité pour la révéler à quelqu’un ou quoi que ce soit. C’est juste pour satisfaire ma curiosité personnelle.

- Comment dire... Il faudrait que tu n'en parle a personne. Les details ne sont pas très jolie jolie si tu vois ce que je veux dire... Mais si on sort d'ici sans se faire prendre, je suis prete a te le raconter. Ca me prouvera que tu est digne de parole.

La pauvre n’a pas l’air vraiment emballée par l’idée de me dire la vérité. Ce qui pique encore plus ma curiosité. Des détails pas très jolis, hein ? Mine de rien, c’est peut-être quelque chose de vraiment grave…
Bah, je suis prête à remplir ma part du contrat en premier. C’est pas comme si elle pouvait disparaître dans la nature ensuite. Je pense que je saurais toujours où la retrouver, si jamais elle décidait de me tromper.

- Tu a une idée de comment on va faire ?

Pas vraiment là tout de suite, mais ça va venir… Voyons… Un fauteuil roulant, c’est pas super discret, et ça passera pas inaperçu. Donc pas moyen de sortir tout simplement l’air de rien. Ce qu’il faudrait, c’est une distraction… Avec ma maladresse, ça devrait pas être trop difficile d’en créer une. Seulement, il faut que ce soit assez long pour qu’on ait le temps de s’enfuir… Ah, illumination ! L’alarme incendie, le truc tout bête ! Tout le monde panique, et personne ne fait attention à nous !

- Que dirais-tu de déclencher l’alarme incendie ? On profiterait de la pagaille pour s’éclipser discrètement.

Oui, ça me paraît vraiment être une bonne idée, sans vouloir me vanter. Le truc, c’est que l’hôpital pourra toujours la retrouver. Ils doivent avoir des genres de dossier sur elle. Donc il faut absolument que ces trucs disparaissent aussi. Commençons par retirer le papier sur son lit qui indique « Mikajima Saki »…
Hop, voilà qui est fait.

- Si tu veux vraiment partir, il va falloir impérativement faire disparaître les dossiers que l’hôpital a sur toi, tu comprends ? Sinon, ils n’auront aucun mal à remettre la main sur toi. Par contre, si jamais c’est sur informatique, ça va être dur… Tu n’aurais pas une idée où on pourrait trouver de tels document ? Après tout, c’est toi qui est ici depuis des mois…

Bon, j’ai peut-être l’air sure de moi comme ça, mais ce n’est pas franchement le cas. Et ça m’embêterait de ne pas remplir totalement ma part du marché…
Fourrant le papier dans ma poche, j’ouvre le tiroir de la table de chevet de Saki pour vérifier qu’il n’y a rien dedans. Et c’est là que j’entends des pas qui se rapprochent. Hurgh ! A tous les coups, c’est l’infirmière qui rapplique ! Panique à bord ! Je lance un regard affolé à Saki. Il va falloir qu’on trouve un truc pour se débarrasser de la gêneuse. Sinon, c’est mort pour son évasion…

Spoiler: