Brouhaha sur le quai [PV Mieko ♫]

La gare d'Ikebukuro. Un lieu de passage, une fourmilière où les têtes ne sont jamais les mêmes et où toutes les émotions et les pensées surgissent. Un lieu d'attente, peut-être, mais l'attente du mouvement.
Un lieu où il est impossible de rester immobile trop longtemps.
Un lieu où on croyait impossible de rester immobile trop longtemps.
Car, toujours prête à casser ces règles immuables, Sakuya avait choisi ce lieu en particulier pour cette nouvelle journée de travail. Et, assise à même le sol, avec pour seul siège son "sac de survie" (boisson, casse-croute, journal, lunettes de soleil, et un oreiller pour rentre le tout plus moelleux) et pour seule compagnie un appareil photo, pour l'occasion non pas le sien mais un autre, emprunté à la boutique. Numérique, pour la discrétion autant que pour alléger sa sacoche de toutes les pellicules qu'elle aurait du contenir autrement.

Oui, aujourd'hui, sa mission: photographier les voyageurs de la gare.

C'est ainsi que du petit matin jusqu'à la nuit tombée, la jeune femme tiendra son poste et s'appliquera à faire voir à son objectif tout ce que son oeil jugera digne d'intérêt. Autant dire, vu l'ouverture d'esprit de celui-ci, beaucoup de choses. Aussi inanimée qu'une statue, les doigts seuls agissant, elle voyait la marche, la course, la fatigue, la résignation, les retrouvailles, les entrées, les sorties, les départs, les arrivées, les petits malins qui l'avaient remarquée, ceux qui l'ignoraient, l'empressement, le soulagement, et tout ce qui encore risquait un pas au sein de la gare. Gare d'ailleurs, qui resterait invisible sur ses clichés, puisqu'elle aussi figée. Le but de la journée n'était pas de montrer son âme mais celles qui s'agitaient entre ses murs et du coup, la rendaient transparente.
Un but qu'elle poursuivrait jusqu'à ce qu'il n'y ait plus âme qui vive aux alentours, ce qui a une chance quasi-nulle de se produire, ou, plus probable, que sa grand-mère inquiète ne joue de la menace pour la faire rentrer. On n'estimera jamais assez la puissance d'un SMS cinglant bien envoyé.

Mais pour le moment ce n'était pas encore à l'ordre du jour, et l'idée même de se lever et de se mêler à la foule qui remontait les escaliers jusqu'au dehors aurait tout le temps de lui traverser l'esprit plus tard, lorsqu'un peu plus de place y aura été faite. Pour le moment c'était une après-midi bien avancée qui s'écoulait sur les quais, résonnant des cris et bruits de cavalcade qui accompagnaient les sorties d'école. Amusant les enfants du "clic" de son appareil lorsqu'ils la montraient du doigt avant de se laisser emporter par les mains de leurs mères, auxquelles ils étaient accrochés de gré ou de force, Sakuya faisait tourner son regard à plein régime lors de ces heures où le flux d'âmes était si important qu'elle manquait régulièrement de se faire piétiner.

-Aaaaaaaah... Zut!

Faisait tourner son regard et son appareil à plein régime... Jusqu'à la fin. Panne de mémoire.

Un flot de jurons aussi inaudible que l'endroit était bruyant s'échappa de la bouche de la photographe tandis que ses mains fébriles fouillaient et farfouillaient la sacoche ouverte sur ses genoux. Bien sûr, il fallait que cela arrive à l'un des instants clés de sa mission autoattribuée, et qu'elle en devienne si maladroite que même retourner les quelques poches de cet imbécile d'étui devenait compliqué. Pourtant elle tint bon, se concentra et chercha mieux. Elle était sûre d'avoir prévu large à ce niveau-là, alors pourquoi...? Mais il fallait se dépêcher, les premiers trains de cette séquence partaient déjà, elle allait tout louper, il fallait qu'elle arrête de se laisser distraire par les images qui passaient devant elle et qu'elle ne conserverait jamais qu'en souvenir, qu'elle sauve celles qui allaient venir et qui pourraient encore être attrapées à temps, il fallait...

Après les cours, je m’étais décidée à visiter la gare d’Ikebukuro. C’était la première gare que je visitais et je ne fus pas déçue ! Il y avait tellement de monde ! Je ne savais plus quoi ou qui regarder lorsqu’un train arriva. C’était… C’était… Incroyable !! Ce grand machin qui allait si vite alors que ça devait être plutôt lourd, dis donc !
Voyant les gens monter à l’intérieur, je me renseignai un peu sur les usages.
Lorsque je compris qu’il fallait acheter un billet, je me précipitai vers le distributeur et achetai le premier billet d’une longue série. Je prenais train sur train, jusqu'à revenir à mon point de départ - tout à fait par hasard, je me demande comment j’ai fait, étant donné que je m’étais perdue… - et décidai qu’il était temps de visiter cette gare ! Elle était d’ailleurs remplie de monde qui ne faisait que passer… Je fus atrocement choquée par ce dernier détail :

*Quoi ?! Ils ne se rendent pas compte de la chance immense qu’ils ont, de pouvoir traverser une gare comme celle-ci ? Puisque c’est comme ça je vais en profiter pour eux !*

Aussitôt, je fouinai dans tous les coins, sous les strapontins, etc. Partout quoi ! Il y avait bien quelques enfants de mon âge mais ils ne restaient jamais longtemps. Commençant à me demander si ces humains avaient véritablement ce truc appelé « cerveau » qui leur servait à réfléchir, je remarquai une jeune fille avec un drôle de bidule à la main qui restait assise à même le sol. Enfin une personne avec du bon sens ! Je commençai par l’observer un peu. Qu’est ce qu’elle faisait avec ce machin ? En tout cas, elle était rapide dans ses mouvements. Enfin, elle l’était jusqu'à ce qu’elle s’arrête en s’exclamant :

-Aaaaaaaah... Zut !

*Qu’est ce qui se passe ? Elle a un problème ? Qu’est ce qu’elle cherche ? Pourquoi elle a l’air aussi nerveuse ?*

Autant de questions qui se pressent dans ma petite tête, c’est assez habituel, mais là j’étais vraiment très curieuse ! Toute la journée, j’avais supporté le bla-bla de ma maîtresse qui nous « apprenait » des choses que je connaissais déjà, alors c’est dire si mon envie de découvrir de nouvelles choses était énooorme !

Je me rapprochai de la fille et m’accroupis à côté d’elle. Je la regardai un instant, en silence, farfouillai dans sa sacoche mais je ne pus m’empêcher de lui faire remarquer ma présence à peine quelques secondes après que je me sois posée.

-Tu cherches quoi ? Un truc pour ce machin ?

Je désignai du doigt son drôle d’appareil et continuai :

-C’est cassé ?

Me disant que tant qu’à la déranger, autant me rendre serviable, je rajoutai :

-Tu veux que je t’aide ? T’as besoin de quoi comme machin ? Si tu me dis comment c’est, je peux peut-être t’aider.

Je lui souris en me disant que je pourrais peut-être fabriquer un truc pour réparer son appareil à partir de ma « texture blobique » (cette expression étant l’équivalent le plus proche que j’ai trouvé en langage terrien). Pour sur que personne dans cette foule n’y ferai attention, si jamais il me poussait un ou deux bras de plus !

[Désolée du retard, j'ai laissé traîné le début de la réponse tant et si bien que j'ai jugé meilleur de la recommencer... J'espère ne rien avoir oublier dans ce 2eme essai >__>]

-Tu cherches quoi ? Un truc pour ce machin ?

Il fallait, il fallait... Lever la tête pour voir un peu qui se risquait à l'accoster, elle, la statue, le pilier de gare, celle qui était invisible et retirée du monde sur lequel elle posait le regard. Car un long moment s'était écoulé depuis la première réplique jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle lui était destinée; d'autres lui avaient déjà succédé. Il y était question de casse, de machin et d'un coup de main. Mais avant d'écouter, il fallait voir...

Un ensemble cheveux-yeux vert vif. Une petite silhouette qui avait à peine besoin de se baisser pour la faire entrer dans son champ de vision. Un sourire, peut-être amusé, peut-être naïf ou innocent. Une aura d'espièglerie l'entourait, et, appuyée par un uniforme d'écolière, il n'y avait plus de doute à avoir: une fillette. C'était une enfant qui l'avait trouvée. Même si l'impression dominante qu'elle avait était d'être face à une comète, qui ne lui parlait que parce qu'elle lui était tombée dessus. Eh bien soit! Les comètes aussi étaient bonnes à prendre!

Seulement, dans une pareille situation, Sakuya aurait préféré que l'astre aille se poser un peu plus loin que devant elle. Aujourd'hui, elle aurait dû être invisible. Mais il faut croire qu'être assise dans un coin de la gare d'Ikebukuro toute la journée, seule, n'était pas au comble de la discrétion. Il faudrait donc faire avec un besoin de passer inaperçue non satisfait, une carte mémoire qui jouait à cache-cache au moment le plus critique et une comète en uniforme d'écolière. Si elle n'avait pas été aussi contrariée, la photographe aurait eu de quoi grandement s'intéresser au cas de figure plutôt inhabituel qui s'offrait à elle. Mais voila, cette minute était celle de trop, et ce n'est de distraitement, et d'un ton que la joie et l'enthousiasme avaient déserté, qu'elle daigna répondre, puisqu'elle était découverte, tandis que sa main comme son regard replongea dans sa sacoche.

-Non non c'est pas cassé, c'est juste plein. Et cette fichue carte de rechange qui veut pas se montrer...

Un court instant passa avant que ses propres paroles ne parviennent à son cerveau, et ne la stoppèrent dans ses recherches. En fait, elles la stoppèrent dans tout ce qu'elle aurait pu continuer, penser ou même entreprendre. Lèvres pincées de honte, elle se s'affala un peu plus contre le mur, faisant remonter la légère douleur d'une immobilité trop longue le long de sa colonne vertébrale. La tête ainsi ramenée en arrière, elle avait au centre se son champ de vision le visage de son interlocutrice intersidérale -et elle ne croyait pas le moins du monde être aussi proche de la vérité en pensant cela- et devinait qu'elle lui offrait une expression des plus blasées, tiraillée entre la fatigue et l'agacement. Un rire nerveux, si spontané alors qu'il étalait ses fausses notes sur la bande son de la scène, précéda une vague excuse:

-Ah désolée... Mais je finis toujours comme ça quand un détail technique vient déranger une journée de travail. Plutôt que de m'énerver je ferais mieux de remettre ça à une autre fois, mais dans ces cas-là mon cerveau s'emballe, c'est pas grave.

Résignée à devoir recommencer son excursion sur les quais du quartier, puisque de toute façon elle avait manqué une étape principale de la journée et qu'elle sentait son envie de continuer s'envoler, l'appareil finit échoué sur un de ses genoux et la sacoche fermée juste à côté. Elle pourrait toujours, histoire de ne pas avoir trop gaspillé son temps, ramasser quelques images sur le chemin du retour. Pour l'heure, toute son attention n'était non plus tournée sur la photo, exclusivement la photo, mais sur sa propre vie et celle dont elle avait croisé le chemin. Ou plutôt, celle qui était tombée en plein milieu de sa route.
Un coup d'oeil rapide à leur environnement lui fit noter que, comme elle s'en doutait, la gare avait maintenant désempli, les premiers trains étaient partis. L'affluence n'avait pas duré une heure. Et, s'il y avait toujours tant de monde qu'auncun être sain d'esprit n'oserait aller se noyer dans cette marée humaine sans y être forcé, il y en avait assez peu pour constater que la fillette qui l'avait abordée était seule. Ou alors qu'elle s'était bien perdue, bien que son attitude, tout sauf paniquée, suggérait d'abandonner l'hypothèse. Cependant, en adulte digne de ce nom, Sakuya jugea bon de s'en assurer...

-Mais bon, toi, dis-moi, tu n'est pas perdue? Où sont tes parents?

...le bon sens, qui pourtant n'était pas son fort, exigeant qu'un enfant seul n'irait pas se promener spontanément dans la gare.

-Non, non, c'est pas cassé, c'est juste plein. Et cette fichue carte de rechange qui veut pas se montrer...

Plein ? Carte de rechange ? Là, je ne voyais vraiment pas de quoi elle me parlait. En plus, j’avais comme l’impression de l’avoir mise de mauvaise humeur… C’était peut-être la façon dont elle m’avait répondu… Elle me regarda puis se mit à … rire ? Je n’avais pas l’impression que ça soit à cause de moi mais bon, avec les êtres humains, on ne sait jamais. Non, en fait, son rire me donnait plutôt l’impression qu’elle était gênée. Mais par quoi ? Ses paroles ?

-Ah, désolée... Mais je finis toujours comme ça quand un détail technique vient déranger une journée de travail. Plutôt que de m'énerver je ferais mieux de remettre ça à une autre fois, mais dans ces cas-là mon cerveau s'emballe, c'est pas grave.

Pourquoi s’excusait-elle ? Elle avait dit quelque chose de mal ? Il me semblait plutôt qu’elle avait été franche et ça, je trouvais ça très bien ! Qu’est ce que ça pouvait bien être, son travail ?… Enfin, si elle disait que c’était pas grave, ça l’était pas !
Et puis, si son cerveau s’emballait, ça voulait bien dire qu’elle l’utilisait ! Pas comme ces idiots qui passaient sans s’arrêter dans cet endroit inouï ! Cette fille me plaisait de plus en plus.

-C’est pas grave, t’as rien fait de mal, tu sais !

Réponse inutile. Elle ne m’écoutait pas et semblait plongée dans ses pensées. A quoi pouvait-elle réfléchir ? Mais je n’allais tout de même pas la déranger une nouvelle fois en à peine deux minutes ! J’allais plutôt attendre qu’elle me parle. Oui, voilà ! Et en attendant qu’elle me parle, observer les alentours qui avaient beaucoup changé pendant notre discussion. Déjà, y avait pas mal de monde qui était sorti de la gare et beaucoup plus de billets sur le sol qu’avant. C’était à se demander à quoi servaient les poubelles ! Vraiment, le pauvre sol ! Comme si les chewing-gums ne suffisaient pas ! Les chewing-gums… J’aime pas la tête que ça a. J’sais pas pourquoi mais j’aime pas ça, un point, c’est tout. Quand j’ai vu ça en arrivant sur Terre, j’ai cru que l’on avait pris ce machin de l’organisme de l’un des mes camarades extraterrestres pour le donner à mâchouiller aux petits terriens, alors… J’aime pas.

-Mais bon, toi, dis-moi, tu n'es pas perdue? Où sont tes parents?

Aaah, toujours la même question ! Bon, j’avais décidé que cette fille avait un cerveau qu’elle utilisait mieux que d’autres alors je lui répondis franchement :

-…

Mais si je lui disais comme ça, d’un coup, la vérité, elle risquait de pas me croire n’est ce pas ? Et je n’avais pas envie qu’elle me prenne pour une menteuse ! Pfouuh… Ca devenait compliqué. Il aurait pourtant suffi d’un truc du genre : « Ben, je suis toute seule. Et je suis pas perdue. » mais là vous pouvez toujours rêver parce que ça aurait été mentir ! Ben oui, j’étais perdue moi ! Je savais pas comment faire pour rentrer à mon appart’ !
Eh ! Au fait… Peut-être que cette fille pouvait m’aider ! Mais pour ça, il fallait d’abord que je le lui demande.

-Ben, en fait, j’suis un peu perdue, mais ça devrait aller, hein ?

Qu’est ce que je racontais, moi… Ca pouvait pas aller puisque j’étais paumée ! Quoique je pouvais peut-être me débrouiller…

-Et puis, Papa et Maman, ils sont toujours sur notre planète !

Sourire radieux. C’était mon expression au moment où j’annonçai cela. Ça ne collait peut-être pas trop à la situation mais rien que de penser à ma famille, j’étais contente. Maman m’avait envoyé des photos de mon frère et de ma sœur et ils avaient encore grandi ! Surtout mon petit frère ! Super chou! Rien que d’y penser, j’étais en pleine extase. C’était pas possible d’être aussi trognon ! Vraiment trop trognon !! Vraiment…

-Kawaaaai !!!

Ah. J’ai crié, n’est ce pas ?

Sujet: Re: Brouhaha sur le quai [PV Mieko ♫]