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En retard…En retard…Et dire que c’était son premier jour ! Certes, elle avait emménagé à Ikebukuro depuis presque deux semaines, mais son intégration au Lycée Raira lui indiquait clairement que ça rentrée été aujourd’hui…Soit pas mal de temps après la rentrée dite officielle.
Etait-ce une raison pour faire un remake de la chanson du lapin blanc d’Alice au Pays de Merveilles ? Dans l’esprit enfantin de la demoiselle Kuruma, c’était une justification plus que valable. Dans la tête d’un adulte qui exerçait la profession d’instituteur depuis une bonne cinquantaine d’années, un peu moins.
Toujours était-il que, brosse à dent entre ses lèvres et se battant avec son uniforme, la fillette de 15 ans utilisa ses talents de personne multifonctions afin de gagner quelques précieuses minutes. Si bien que ce n’est qu’avec vingt minutes seulement de retard qu’elle quitta sa chambre, dévala les escaliers et sortit hors de l’hôtel. Si elle courait, avait-elle une chance d’aller plus vite qu’en métro ?
Et puis zut, mieux valait courir. Bien sûr, elle n’admettrait jamais que c’était en partie parce qu’elle n’avait strictement aucune idée de la localisation de la gare qu’elle était partie à pieds. Plutôt crever.

Par chance, les rues étaient désertes. Heureusement. Manquerait plus qu’elle soit obligée, en plus de courir, d’utiliser sa jolie voix afin de dire aux personnes lentes de virer de son chemin. Aiki avait beau être d’un naturel gentil, il ne valait mieux pas trop la contrarier.
Elle tourna rapidement dans un coin de rue et s’arrêta quelques secondes devant une bifurcation.
Aïe…Dans sa précipitation, elle n’avait pas du tout pensé à prendre une carte ! Fallait-il aller à gauche ou à droite ? Voire faire demi-tour ?

« Ma petite Aiki, je sens que tu t’es mise dans une galère magnifique. Entre nous, ça ne m’étonne pas de toi… »

Finalement, elle décida d’utiliser le fabuleux stratagème de la pièce de monnaie. Elle n’avait pas le temps d’aborder les probabilités, et franchement, il valait mieux qu’elle laisse le destin décider du chemin à suivre.
Ce dernier ordonna à la pièce d’aller sur le côté « Pile », par conséquent, Aiki prit le chemin de gauche sans se poser de questions. Ce serait déjà un véritable miracle si elle parvenait à apercevoir ne serait-ce que le bout du toit du lycée, alors il ne fallait pas trop en demander.
C’est au bout de bifurcations multiples et d’un nombre incalculable de lancer de pièces qu’elle parvint enfin aux grilles du Lycée Raira. Une victoire personnelle entre nous, qu’elle se félicita en sautillant partout. Après tout, il n’y avait à priori personne dans les environs, si ?
Faut croire que si.
La jeune fille se décida enfin à s’engager à l’intérieur afin d’éventuellement rejoindre sa classe de seconde. Elle regarda rapidement sa montre : ouch, trente minutes de retard pour son premier jour, ça promettait de bien commencer !
Courant à travers la cour qui composait l’extérieur du lycée, elle fut brillamment coupée dans son élan par une voix qui l’interpella :

« Hm .. Excuse-moi, est-ce que tu saurais où se trouve la classe de seconde ? »

Politesse oblige, malgré l’heure qui continuait de tourner, Aiki s’arrêta, analysa chaque mot venant d’être prononcés afin de leur donner un sens. Classe de seconde ? Sa classe par conséquent ? Et elle lui demandait quoi ? La position de la classe ?
A peu près convaincue d’avoir restitué le sens de la phrase, la jeune fille répondit :

-Ah…Je crains que je ne peux pas vraiment t’aider…En fait c’est mon premier jour et comme tu peux le voir j’suis légèrement en retard…

Décidément, elle n’en loupait pas une.

-D’ailleurs, continua-t-elle d’une voix honteuse, tu viens de me faire réaliser que je n’avais strictement aucune idée de la position de ma classe…

« Mais tais-toi donc ! Elle va te prendre pour une folle si tu continues ! Arrête de parler ma grande, arrête ! »

Obéissant à sa voix intérieure visiblement bien plus futée qu’elle, Aiki ne prononça pas un mot de plus, fixant son interlocuteur…Qui était une fille.
Une fille remarquablement mignonne de surcroît, rien avoir avec la tête qu’Aiki devait avoir à cause de la course contre la montre qu’elle venait de se taper. Elle profita que cette dernière soit encore plongée sur sa carte pour jeter un coup d’œil dans une vitre, histoire d’arranger un peu son apparence.
Et elle avait bien fait. La tête en l’air qu’elle était n’avait même pas pensé à retiré le foulard jaune qui ornait son poignet ! Elle le retira vivement, espérant de tout cœur que la personne en face d’elle n’eut pas la mauvaise idée de lever les yeux à ce moment précis.
Appartenir à un gang était une chose. Se faire tabasser par un gang ennemi par pur provocation en était une autre.

Face à des paroles qui mettaient souvent la jeune Aiki dans la catégorie des « personnes folles à ne pas fréquenter », la jolie interlocutrice lui offrit un sourire, qui eu pour effet de la détendre légèrement. Elle savait pertinemment que les premières impressions étaient les plus importantes et, puisqu’elle-même pensait de cette manière, qu’il était difficile de s’en détacher. Elle était donc plutôt contente que son apparence probablement catastrophique et ses réponses dignes d’une personne mal organisée et surtout pas douée n’aient pour le moment pas trop influencé sur la personne qui lui parlait en ce moment même…Ou du moins, c’est ce qu’elle osait espérer.
Ne faisant aucune allusion au bout de tissu qu’elle venait de ranger en vitesse, Aiki en déduisit (peut-être un peu trop tôt d’ailleurs) que cette dernière n’avait strictement rien vu et en fut, de nouveau, soulagée. Sa gentille interlocutrice reprit alors la parole :

« Oh ! Et bien on est deux...Je te propose d'aller au secrétariat se renseigner, ça te dit ? »

Ah ? Est-ce que elle aussi n’avait aucune idée d’où se situait sa salle de classe ?
Maintenant qu’elle y repensait, c’était une réflexion totalement stupide, vu qu’elle lui avait demandé l’information il y avait à peine trente secondes et que notre Aiki avait été dans l’incapacité de répondre (se ridiculisant au passage d’ailleurs). Il fallait qu’elle se réveille.
Tout de même ravie de ne pas être la seule à être en retard pour son premier jour, Aiki hocha la tête en guise d’approuvement et allait répondre lorsque son interlocutrice, personne dont elle ignorait toujours le nom d’ailleurs, reprit la parole :

« Et je m'appelle Saki Mikajima au fait, et toi ? »

Saki Mikajima ? Aiki eu un moment de pause. Elle était persuadée d’avoir déjà entendu ce nom quelque part…Mais où ?
Dans son village natal lui semblait être une option peu probable : rien qu’à voir l’apparence de la jolie Saki, elle pouvait facilement deviner qu’elle devait vivre à Ikebukuro depuis son enfance ou, si ce n’était pas le cas, dans une autre grande ville. Mais il était quasiment impossible, en vue de sa manière de se tenir et de parler, qu’elle ait vécu à la campagne pendant plusieurs années. Là-dessus, Aiki pouvait faire confiance à son instinct.
Par conséquent, elle ne pouvait avoir entendu ce nom à consonance si familière qu’à partir du moment où elle avait atterrit à Tokyo, à savoir deux semaines auparavant. Elle repassa les évènements dans sa tête : elle n’avait, à priori, rien fait de spécial qui puisse susciter l’apparition soudaine d’un nom tel que celui de Saki. Au sein des Echarpes Jaunes peut-être ?
Aiki s’arrêta de réfléchir : si Saki avait un quelconque lien avec le gang de couleur jaune, elle le saurait bien assez tôt. Il était inutile de s’éterniser dessus. Surtout qu’au fond, ce n’était pas important.

-Aiki Kuruma, sourit-elle, enchantée de faire ta connaissance Saki-chan !

Et paf ! Une boulette de plus !

-Ah…Désolée…J’ai dû te paraître familière mais…Je n’ai vraiment pas l’habitude d’appeler quelqu’un de mon âge par son nom de famille…En fait, je viens de…

Elle s’interrompit. Elle n’allait pas commencer à déballer sa vie non plus. Surtout qu’elle risquait encore, la connaissant, de faire d’autres égarements. Mieux valait être prudent.

-Sinon, je suis tout à fait d’accord pour qu’on aille se renseigner au secrétariat ! continua-t-elle, même si je crois qu’il est un peu tard pour la première heure de cours…Ah, la belle impression qu’on va faire !

Guettant le chemin du secrétariat tout en discutant avec Saki, la jeune fille se demanda à son tour dans quelle classe elle avait pu être casée. Être avec le leader des Echarpes Jaunes ne lui aurait pas déplu, mais quelle utopie était-ce !

-Au fait, tu es en seconde comme moi, n’est-ce pas ?

Oui, quitte à être nouvelle dans une classe d’inconnus, autant l’être avec une personne avec qui elle s’entendait relativement bien. Personne que Saki était pour le moment d’ailleurs.

Il n’était pas rare qu’Aiki enchaîne gaffe sur gaffe. En fait, c’était plutôt extrêmement fréquent
Bien entendu, ce n’était pas volontaire, c’était juste ses bonnes vieilles habitudes de campagnardes qui ressortaient. Par exemple, le fait de s’appuyer sur tout et n’importe quoi, malgré le fait qu’elle ait une colonne vertébrale plus que solide, ou encore son habitude de sauter systématiquement par-dessus une barrière en sachant que le passage piéton se trouvait à moins de dix mètres. Certes, cela lui permettait d’être imbattable en gym, mais ça ne lui donnait pas vraiment des manières de jeunes filles.
Utiliser un suffixe familier spontanément tels que « -kun » ou « -chan » faisait partie des défauts qu’elle tentait de corriger. Elle savait à quel point les gens de Tokyo détestaient les provinciales qui se croyaient chez elles et qui, en plus, se permettaient de telles familiarités.
Fort heureusement, cet excès de langage ne parut pas déplaire à Saki :

« Enfin bref, ne t'inquiète pas... Aiki-chan. Je suis même contente que tu ajoutes le suffixe -chan avec tant de spontanéité. Tu permets que je mette aussi le -chan ? »

Décidément, Saki était une personne bien tolérante ! Quelle chance d’être tombée sur une personne comme elle dès le première jour ! Elle n’aurait pas supporté rencontrer une personne trop imbue d’elle-même, que ce soit à cause de sa force supérieure ou d’une intelligence incomparable à la moyenne. Malheureusement, ce genre de personne n’était pas rare, et ceux qui se croyaient tout permis étaient même très fréquents dans le gang des Echarpes Jaunes.
Aiki approuva d’un signe de tête qu’elle acceptait volontiers que Saki l’appelle « Aiki-chan ». Elle préférait d’ailleurs largement cette désignation à une appellation plus formelle telle que « Kuruma-san » qui, selon elle, ne faisait qu’insérer de la distance entre deux personnes.
Elle avait, par la suite, mentionné le fait qu’il était légèrement tard d’arriver en classe à cette heure-ci, pour la simple et bonne raison qu’elles avaient à présent presque 40 minutes de retard. En sachant qu’un cours durait approximativement une heure et qu’il leur faudrait bien 15 minutes afin de trouver le secrétariat et de se rendre dans les locaux, à quoi bon arriver 5 minutes avant la fin ? Ca n’avait tout simplement pas de sens…Oui, ça ne servait à rien.
Puis entre se taper la honte le premier jour et rester à discuter avec une personne plus qu’intéressante, le choix était vite fait.
Ce à quoi Saki répondit :

« En effet, nous allons faire une jolie impression devant toute la classe.. »

« Je ne te le fait pas dire » pensa intérieurement Aiki. Déjà qu’il fallait se présenter devant la totalité de la classe…Elle frissonnait rien que d’y penser ! Comme tous les ans, elle perdrait les moyens et balbutierait quelque chose d’incompréhensible avant de se faire toute petite…Puis de se retaper la honte grâce à son trop plein d’énergie qui la suppliait presque de sauter sur tout le monde afin de les mettre de bonne humeur.
Je vous rassure cependant, les gens normalement constitués réagissent souvent négativement à ce genre de comportement. Il est rare que la joie et la bonne humeur d’Aiki soient les bienvenues dans une classe où dépression règne de manière permanente…
De nouveau, Saki avait répondu de manière positive à sa question. Génial ! Si elles ne se retrouvaient pas dans la même classe, elle était sûre de pouvoir la croiser de nouveau, puisqu’elle était sur le même niveau !

-Super ! sourit Aiki les yeux pétillants, j’espère vraiment qu’on sera dans la même classe ! Au fait, il me semble que le secrétariat est de ce côté…Mais vu mon sens de l’orientation, je ne peux rien promettre…

Elle faisait allusion au retard qu’elle s’était déjà pris rien que ce matin. Il était certain que si elle avait eu un meilleur sens de l’orientation, elle serait peut-être arrivée avec quelques minutes de retard en moins…Peut-être.
Lui proposant de marcher dans la direction indiquée, la jeune fille se demanda s’il était trop tôt pour lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. Oui, trop tôt, sans doute. Elle n’allait pas risquer une éventuelle amitié à cause d’une interrogation, si ?
Apparemment, si.

-Au fait, Saki-chan…commença-t-elle timidement, je réalise qu’on ne se connaît que depuis 5 minutes et que c’est sûrement trop tôt pour te le demander mais…Je me demandais si tu étais célèbre dans le coin…Enfin, j’veux dire que j’ai déjà entendu des personnes mentionner ton nom alors…

Alors ? Alors quoi ? Allez ma vieille, continue ta pensée. Maintenant que t’es lancée t’façon, t’peux plus retourner en arrière, alors assume !

-Bien sûr, je ne me rappelle plus des circonstances exactes mais…

Elle n’avait pas terminé sa phrase. Surtout parce qu’elle était dans l’incapacité de trouver des mots suffisants pour achever une telle affirmation.
Si jamais la honte ne l’avait pas tuée d’ici 10 minutes, elle s’assurerait qu’une voiture le fasse en rentrant des cours. Vraiment, des fois, il était dommage que le ridicule ne tue pas.

« Puis, je ne pense pas que l’on puisse compter sur le mien non plus.. »

Ah ! Elle n’était pas la seule à avoir un sens de l’orientation plus que nul ? Voilà qui était une excellente nouvelle ! En plus d’être une jeune fille extrêmement sympathique, il semblerait que la jolie brune avait certaines caractéristiques en commun avec Aiki. Même si le côté posture et classe qu’arboraient les filles de la ville n’était pas encore acquis, la demoiselle Kuruma était bien contente d’avoir quelqu’un à qui s’en remettre. Oui. Si la journée semblait avoir mal commencé, elle se poursuivait plutôt bien.
Alors qu’elles marchaient en direction du secrétariat (du moins, vers l’endroit où elles supposaient que le secrétariat se trouvait), Aiki ne pu s’empêcher de poser la question qui lui faisait travailler son pauvre cerveau depuis longtemps…Enfin longtemps, depuis le moment où son interlocutrice avait eu la bonté de lui apprendre son nom.
Oui, elle était persuadée d’avoir déjà entendu l’appellation « Saki » quelque part. Et même si il lui était strictement impossible à sa mémoire de se rappeler où, son instinct lui disait qu’il s’agissait d’une seule et même personne. Ce d’ailleurs ce qui la poussa à risquer sa future amitié, lançant cash l’interrogation qui lui avait brûlé les lèvres.
Si jamais Saki avait refusé de répondre ou avait décidé de la laisser en plan en tournant les talons, elle l’aurait très bien compris. Il semblait assez invraisemblable de la part d’une quasi-inconnue de balancer ce genre de question, n’est-ce pas ? Seulement, Aiki faisait passer sa curiosité avant tout. C’était très souvent considéré comme un défaut, mais la jeune fillette restait persuadée que cette imperfection allait forcément lui servir un jour. Oui, c’était obligé.
M’enfin, elle n’était pas sûre qu’elle aurait voulu apprendre les informations que Saki lui avait répondues. Non pas qu’elles soient fausses ou vexantes, non. De ce côté-là, Aiki lui était plutôt reconnaissante d’avoir bien voulu lui donner une réponse plus que convenable. Non, ce que Saki allait lui dire allait plutôt la prendre de court…Et lui donner une bonne raison de déprimer !

« Je me disais bien. Tu fais partie du gang des Yellow Turbans, j'ai vue ton foulard jaune tout à l'heure. Et, j'y étais avant dans le gang et Masaomi était mon petit ami. Avant. »

Et vlan ! Le couperet était tombé.
En premier lieu, Aiki n’avait aucunement fait attention à l’allusion de son appartenance aux Echarpes Jaunes. Non, toute sa concentration s’était focalisée sur la deuxième partie de sa phrase, à savoir que Masaomi Kida, le seul, l’unique, avait eu pour petite amie la personne qui se trouvait devant elle en ce moment même.
Soyons francs, ce n’était pas de la déception qui avait marqué l’esprit d’Aiki : Saki était une jeune fille tout ce qui avait de plus gentille et elle était mignonne, ce qui ne gâchait rien. Non, ce qui avait grandement étonné la jeune fille, c’est que le leader libertin ait eu une petite amie dans le passé. A moins qu’il n’était pas libertin à ce moment là ? Peu probable…
Enfin, son cerveau percuta les premières paroles de la jeune brune. Comme quoi elle avait vu le morceau de tissu qui voulait tout dire, et également le fait qu’elle avait appartenu à ce gang, elle aussi…
Une minute. « J’y étais » avait-elle dit ? Pourquoi avoir employé l’imparfait ?

-Hm…Oui…La tête en l’air que je suis n’avait pas pensé à le retirer…Mais…Tu dis avoir fait partie du gang n’est-ce pas ? Je dois avouer que ça m’étonne quelque peu…Je n’aurais jamais imaginé qu’une fille aussi gracieuse que toi ait pu avoir un quelconque rapport avec les gangs qui s’arrachent littéralement les yeux…

Elle marqua une pause. Comment continuer sa pensée sans faire une énorme boulette ?

-Tu connais bien le leader alors ?

Aïe, c’était sorti tout seul. Le Premier prix de l’indélicatesse était sans aucun doute décerné à Aiki ! Bien sûr qu’elle le connaissait bien, quelle question ! Et puis quelle idée de parler de ses ex alors que c’était douloureux. Non mais vraiment, Aiki devait apprendre à se taire.

-Je peux te demander pourquoi tu as employé l’imparfait ? Ou c’est trop tôt ?

Ah, c’était déjà mieux. Allez, on ne perd pas espoir ! Au bout d’un moment, elle finira bien par retenir la leçon !

Le sourire qui s’était posé sur les lèvres de Saki commençait progressivement à disparaître. En même temps, c’était tout à fait compréhensif : quoi de plus normal pour une personne qui ne tenait pas spécialement à déballer sa vie privée tout en ressassant des anciens sentiments amoureux ? Aiki aurait pu le comprendre, sauf qu’elle n’avait strictement rien de comparable.
Oui, rien de comparable. Elle avait fait tant d’effort pour oublier, alors pourquoi risquer ses efforts en laissant, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, ses sentiments l’immerger ? N’était-elle pas venue à Ikebukuro pour devenir plus forte après tout ? N’était-ce pas dans ce but qu’elle avait rejoint les Echarpes Jaunes ? Certes, elle les avait également rejoints pour satisfaire sa curiosité, mais il y avait plus, oui, plus.
Mais là n’était pas la question. La jolie brune avait avoué faire partie d’un gang. Et même si cette affirmation étonnait beaucoup Aiki, elle se laissait faire confiance à Saki. Après tout, pourquoi pas ? Ce n’était pas parce qu’elle était dans un gang qu’elle devait forcément adopter un comportement aussi violent. Il fallait laisser aux hommes le soin de s’occuper de la baston, même si Aiki n’était pas forcément de cet avis.

« Étonnant sûre. Mais je crois que j'étais plus petite amie du leader que membre tout court. Puis je pourrais dire de même pour toi. Si kawaii et maladroite…»

Aiki sourit involontairement. Il était clair qu’elle était d’une extrême maladresse, mais elle se défendait disant que cela faisait partie de son charme. Du moins, elle l’espérait grandement. Parce qu’avec une personne aussi colérique qu’elle, il fallait bien trouver autre chose pour éventuellement plaire aux garçons.
En parlant de garçons…Elle avait mentionné, dans son extrême délicatesse comme à son habitude, le leader Masaomi Kida, qui semblait avoir eut Saki comme petite amie…Que le monde est petit.
Sa question avait semblé transporter la jeune brune dans un autre espace temps. N’étaient-ils pas si proche finalement ? C’était une possibilité…A moins que son côté playboy ait inséré une certaine distance entre les deux.

« Oui.. Mais ça t'intéresse en quoi ? Que je connaisse bien le leader ? »

Ah, non. Ils se connaissaient bien apparemment.
Aiki hésita à répondre. Devait-elle lui avouer qu’elle trouvait Kida particulièrement attachant et mignon ? Qu’elle avait développé au cours de ces deux dernières semaines un certain sentiment d’affection pour lui ?
Il ne valait mieux pas. Son indélicatesse avait des limites. Surtout que ça ne la mettait pas particulièrement à l’aise d’en parler avec une quasi-inconnue…Surtout si celle-ci s’avérait être son ex-petite copine. C’est pourquoi elle marmonna un semblant de réponse :

-J’aurais juste aimé savoir quel genre de personne celui qui dirige le gang dans lequel je me trouve était…Désolée si j’ai pu paraître indiscrète…

C’était très plausible. Et même si elle avait momentanément détourné les yeux, elle espérait que cette réponse satisferait la curiosité de Saki. Même si c’était elle la plus curieuse dans l’histoire…
Lorsqu’elle demanda suite à quoi ils avaient rompu, la jolie brune avait simplement répondu que ce n’était qu’à cause d’une simple erreur de calcul. Vraiment ?
Elle se rappela que les trahisons étaient fréquentes. Etait-ce ce qu’elle entendait par « erreur de calcul » ? Ou était-ce quelque chose de totalement différent ? Il n’était pas impossible que leur rupture ait pu être provoquée par une certaine trahison, quelle qu’elle soit. Ca, Aiki en était plus que convaincue.
Mais puisque Saki ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet, la décolorée lui fit un grand sourire compatissant avant de lui répondre :

-Je comprends, je n’insisterais donc pas. Changeons de sujet si tu le veux bien, parce que je sens que je ne fais qu’envenimer la situation depuis que j’ai entamé le point ! Fais tu partie d’un club ?

Oui, il valait mieux revenir à ce sujet de discussion plus tard. Si Saki souhaitait en reparler, elle lui en reparlerait. Inutile d’insister, alors autant parler de quelque chose de plus ou moins plaisant.
D’accord, les cours n’étaient pas forcément ce qui était le plus agréable…Mais qui a dit qu’Aiki avait une intelligence débordante ?