Le lendemain du coup de téléphone, Medusa se rendit comme prévu aux laboratoires Yagiri.
Elle avait pris le dossier qui avait été trié lors de son passage à l'ANPE et avait enfilé par habitude la blouse blanche d'infirmière qu'elle utilisait lorsqu'elle travaillait encore à Shibusen.

À l'entrée de l'entreprise, un gardien s'affairait à trier des papiers dans son poste.
"Vous êtes ?", demanda-t-il en voyant arriver Medusa, quittant ses documents des yeux un instant.
"Medusa Gorgon. J'ai un entretien avec monsieur Sora Takumi."
L'homme jeta un coup d'œil suspicieux à un papier accroché au mur où étaient inscrites différentes informations.
"Allez au bâtiment G, tout au fond.", répondit-il finalement en indiquant la direction d'un vague geste de la main.
Medusa répondit un bref merci, un sourire poli plaqué sur le visage, mais l'homme s'était déjà replongé dans d'autres affaires.

La sorcière se dirigea donc vers le dernier des bâtiments aux murs blanc. Un G avait été peint en gris sur sa façade, Medusa poussa l'une des doubles-portes et entra. L'intérieur du bâtiment était calme, on entendait vaguement les voix de quelques employés mais cela se rapprochait plus de discrets chuchotements que de bavardages détendus de collègues profitant des derniers instants de leur pause de midi.
Medusa regarda sa montre qui indiquait midi quarante puis emprunta l'escalier le plus proche de l'entrée et monta au deuxième étage, puis traversa un long couloir comportant une rangée de portes en bois, regardant les noms inscrits sur des écriteaux.

Quand elle eut trouvé celui où figurait le nom de Takumi elle s'arrêta et frappa deux coups bref.

Il était plus de midi et Sora, toujours dans son bureau n'avait pris aucune pause. C'était sa manière de travailler, tout d'un bloc, et malgré sa frivolité naturelle, il était un employé modèle qui n'hésitait pas à faire des heures supplémentaires. Le jeune homme finissait de traiter quelques affaires par téléphone, lorsqu'il entendit frapper à sa porte. Deux coups brefs. Il jeta un bref coup d'œil à l'horloge de la pièce, midi quarante. Il s'agissait surement de la jeune personne d'hier qui venait pour un entretien. Sora remercia son interlocuteur et en prit congé. Il raccrocha avec le sourire aux lèvres.

Enfin.

Cela faisait longtemps que le garçon n'avait fait passer d'entretiens mais il se souvenait de leur saveur. Il se dirigea vers la porte, impatient d'accueillir la jeune femme.
Lorsque la porte s'ouvrit, elle laissa apparaitre une femme blonde, manifestement assez jeune. Elle n'avait pas l'air réellement tendue mais qu'importe. Sora lui tendit sa main d'un air professionnel et dit :

"Mademoiselle Gorgon je présume ?"

Le jeune homme lui offrit un magnifique sourire puis l'invita d'un geste à entrer. Il referma ensuite la porte derrière lui. Qu'allait donc lui offrir cette jeune personne ? Était elle expérimentée ? Elle n'en avait pas l'air ainsi et il n'en avait pas discuté au téléphone. Il se devrait de la faire parler. Sora s'assit dans son fauteuil avant de s'adresser à Medusa :

"Je vous en prie asseyez vous, ne perdons pas de temps je suppose que vous avez également beaucoup de projets..."

Sora sourit un moment, il avait une manière singulière de guider les entretiens et voulait voir comment la jeune dame en face de lui s'en sortirait. Il ne dit rien de plus, la laissant libre de prendre la parole ou non.

[Petite erreur : tu as écrit brun à la place de blond pour la couleur des cheveux de Medusa ^^"]

Medusa fut accueillie par un jeune homme à lunettes à l'air jovial.
Elle le laissa l'étudier rapidement et acquiesça d'un léger signe de tête lorsqu'il lui demanda son identité. Elle serra ensuite la main qu'il lui avait présenté en signe d'accueil.
Le visage souriant du jeune homme s'illumina davantage et la sorcière se demanda si c'était l'entretien à venir qui le rendait si joyeux. Cela semblait assez étrange, la plupart du temps ceux qui s'occupaient de faire passer les entretiens s'efforçaient de garder un air sévère ou neutre, préférant ne laisser transparaître aucune émotion qui indiquerait à la personne passant l'entretien leur pensée. Cependant, il y avait toujours des exceptions et Takumi semblait en faire partie.
Enfin, si il avait l'air de se préparer à cet entretien avec autant de fébrilité elle pouvait bien espérer être soumise à une épreuve intéressante.

L'espoir était une des rares illusions que Medusa se laissait parfois prendre à entretenir, au contraire de la rêverie :
Elle se refusait de rêver à ce qui se passerait lorsque le monde aurait atteint l'évolution qu'elle recherchait, parce que rêver éveillé était contre-productif : on se laissait aller à y songer quelques instants et on finissait par passer la journée à ne rien faire. Au final on s'enfermait dans ses rêves, reportant tout les projets permettant de parvenir à son but au lendemain. Peu à peu on en venait à dire que les projets se feraient "un jour..." et abandonner l'idée de "maintenant".

Bien sûr, changer le monde prenait du temps et Medusa se souvenait bien de la célèbre phrase "Rome ne s'est pas faite en un jour.".
Cependant, Rome s'est faite. Tout comme se fera le monde inéluctablement un jour ou l'autre, quoique beaucoup trop lentement au goût de Medusa, c'est pour cela qu'elle devait pousser les choses afin que la spirale que forme l'évolution s'emballe. Qu'elle s'emballe encore et encore, toujours plus vite.
Quant à l'espérance, si elle apportait souvent des déceptions quand à l'état de l'humanité, elle n'en restait pas moins parfois nécessaire pour pouvoir continuer à agir. Arrêter d'espérer c'était abandonner l'idée d'être surprise, c'était se laisser se diriger vers l'indifférence et la lassitude pour finalement atteindre l'inaction.

"Je vous en prie asseyez vous, ne perdons pas de temps je suppose que vous avez également beaucoup de projets..."
Medusa laissa de côté les pensées qu'elle ressassait en s'asseyant sur la chaise que Sora Takumi lui présentait. Ce qui lui était réservé, elle allait le découvrir maintenant.

"En effet, j'ai différents projets mais pour le moment je vais me consacrer uniquement à vous. Alors, qu'avez vous donc prévu pour cet entretien ? J'ai vraiment hâte de le découvrir."
Et son sourire rivalisait alors avec celui qu'arborait Takumi en face d'elle.