____Bien que le soleil était caché par quelques nuages gris, la journée s’annonçait tranquille pour les habitants d’Ikebukuro. Enfin, pas pour tous.
____Installée près du grand Cerisier d’Ikebukuro Minami Park, une vieille dame se reposait de la promenade qu’elle venait d’effectuer en compagnie de son fidèle compagnon : un Yorkshire qui répondait au nom de « Hiroki » ; tout noir, encore jeune et pétillant s’était allongé à ses pieds. Près de ce couple tout à fait charmant mais ordinaire dans ce genre de parc, Malinka prenait son déjeuner. La bentô-box posée sur les genoux et remplie à craquer de sushis, elle se régalait tout en remerciant mille fois l’homme le plus fort de cette ville car c’était grâce à lui qu’elle pouvait enfin se remplir la panse bien comme il faut. Elle les dévorait par 2, par 3 ! Ses joues gonflées lui donnaient un air d’hamster même si le tout demeurait difficile à mâcher et pour faire descendre sa gourmandise, elle prit quelques gorgées de son délicieux jus de banane. Ses yeux se fermaient tous seuls tellement c’était bon.
____En réalité, tout son salaire était passé pour payer l’hôtel. Par conséquent, elle devait travailler encore plus dur au restaurant et jusqu’à très (trop) tard. Pour ensuite échouer sur un banc de la gare, ou à même le sol. Mais lorsque la fatigue paraissait trop abattante, elle avait quand même la bonne idée de demander à Natori de l’aider – de le supplier tant elle n’en pouvait plus.
____Hiroki se redressa sur ses pattes et s’approcha prudemment de la jeune fille, fortement attiré par l’odeur de nourriture. Malinka se crispa un peu, jetant un regard mauvais à la maîtresse qui... dormait. Les chiens n’étaient pas du tout son fort. Elle avait déjà du mal avec Logan… Ce chien redoublait de gentillesse mais rien n’y faisait, Malinka restait méfiante. Mais dès qu’elle n’y pensait plus, toutes ses angoisses s’envolaient. Et puis, Zuko serait là en cas de soucis. Enfin bref ! Le petit chien quémandait un petit encas. Quelque peu hésitante, la fugitive vérifia dans sa box combien il lui en restait. Juste un…
Comme par hasard.
____Elle soupira avant de poser maladroitement la box contenant le dernier salmon sushi par terre puis elle s’en alla, remettant sa capuche sur la tête.
____Hiroki aussi paraissait heureux de ce petit goûter. Sa queue s’agitait dans tous les sens.
____Flânant ici et là dans les rues d’Ikebukuro, elle passait inaperçue. Elle s’aventura jusqu’à l’Académie Raira et tenta de se rappeler comment était faite une salle de classe, avec combien d’élèves. Cela faisait bientôt plus d’un an et demi qu’elle n’avait plus mit les pieds dans une école.
Sa dernière année de collège ainsi que son passage en seconde lui revinrent en tête, tout droit du passé. Le temps où Malinka commença à devenir sombre et ne broyait que du noir. « C’est l’adolescence. » concluaient ses parents. Plantée devant le grand portail du lycée, elle observait les fenêtres vitrées grâce auxquelles, on parvenait à distinguer quelques têtes. Cinq fenêtres plus loin, elle vit une silhouette assise sur le rebord, guitare sous le bras. Elle put reconnaître un garçon. Brun avec une très belle voix sans doute. Mais elle se situait trop loin pour pouvoir l’entendre correctement.
____Lorsqu’elle traversa la rue afin de repartir en centre-ville, elle vit une affiche quelque peu décollée sur les briques rouges. Hum ? Curieuse, elle souleva la feuille abîmée et froissée. Elle avait un mauvais pressentiment… La peur se tenait derrière elle, drapée de noir.
____Apparaissant sur une vieille photo postérisée, c’était elle-même qui lui faisait face. Quel regard hostile… Elle se foutait elle-même la frousse. Mais d’un côté, elle en était…fière d’affronter la réalité avec de tels yeux.
____En dessous de la photo de Malinka, on pouvait distinguer une description rapide : la couleur de ses cheveux, celle de ses yeux, sa taille, les vêtements qu’elle portait au moment où elle a quitté son foyer… Ce genre de conneries. Ceci ressemblait énormément à un avis de recherches et cela l’étonnait réellement de la part de ses géniteurs.
« Si vous retrouvez notre chère fille… »____Haha ! Notre chère fille ? Bien sûr.
Et puis, quoi encore ?
« Veuillez nous joindre à ce numéro xxx xxx xxx, ou communiquez directement la police. Nous vous remercions d’avance. Il sera offert une prime de ••••¥ à la personne qui nous ramènera notre fille saine et sauve.
Mr et Mme Fujiya. »____Prise dans un élan violent de colère, la Peur se dissipa derrière elle comme le ferait un petit tas de poussière face à un balai en paille, lorsqu’elle leva le bras pour arracher cette affiche jaunie.
____Puis, une autre, et encore une autre, et encore une autre ! En grognant, elle continuait tandis que ses ongles grinçaient contre le béton ou les briques. L’ensemble formait une mélodie étrange due aux bruits de déchirures qui rappelaient beaucoup ceux du cœur de la jeune fille.
____Ainsi, pendant plusieurs minutes, elle sillonnait les rues d’Ikebukuro, la capuche sur la tête, afin d’arracher toutes ces affiches qui lui pourrissaient son anonymat aux yeux des autres habitants d’Ikebukuro. Elle avait terminé sa course dans une autre ruelle peu fréquentée cette fois. Cependant, Malinka ignorait totalement que quelqu’un avait été plus rapide qu’elle et savait déjà pour l’avis de recherche. En deux temps trois mouvements, elle fut entourée d’une paire de bras forts. C’était à peine si elle l’avait vu arriver ! Il s’était glissé derrière elle telle une ombre dans la nuit avant de l’empêcher fermement de s’échapper.
____La panique saisit la fugitive, elle se débat, elle a peur alors elle crie et donne toute la force dont elle est capable pour le faire lâcher. Néanmoins, il est fort, il sait comment la tenir. Tant pis, s’il fallait qu’elle se déboite l’épaule pour fuir…
Tout ce chemin parcouru pour finalement être ramenée dans son foyer plus que merdique ?!
____Jamais !
« L-Lâchez-moi ! » gémit-elle en forçant sur ses bras chétifs.
« Tu vas me suivre gentiment et sans faire d'histoire. D'accord, Malinka ? » ____Cette phrase fit frissonner la jeune fille, elle cogna volontairement sa tête dans son nez en grognant. Bizarrement, elle sentait qu’il n’y mettait pas toute sa force, un peu comme s’il faisait attention à elle, alors elle se débattit davantage en se tortillant comme un ver, faisant le plus de boucan possible pour attirer les regards et déstabiliser son agresseur. Lorsqu’un bruit plutôt inquiétant de craquement d’os se fit entendre au niveau de l’omoplate de la demoiselle, elle ne se stoppa pas pour autant et put enfin se libérer de son emprise. Sans perdre une seconde, elle attrapa son sac à dos mais elle n’avait pas affaire à n’importe qui…